2020 a été une année difficile, on a en déjà dit beaucoup de choses et on en reparlera encore longtemps. Pour le cinéma, en tant qu’industrie, elle a été exécrable. En tant que domaine artistique, cette année a eu la vertu de mettre en lumière des films qui n’auraient pas eu autant d’attention en temps normal. Voici dix films pour sauver 2020, dans nos mémoires en tout cas.
10 - MIGNONNES, de Maïmouna Doucouré
Si vous n’avez pas vu ce film, vous en avez peut-être entendu parler à cause d’une controverse absurde qui a compliqué son exploitation. Dans ce premier long-métrage, la réalisatrice dépeint avec une tendresse rare le parcours d’une jeune fille qui cherche sa voie, entre celle traditionnelle vers laquelle sa famille la guide, et celle hypersexualisante que veut lui imposer la société et son entourage. Sans aucune complaisance, toujours avec la bonne distance, Mignonnes crée un malaise nécessaire, et sait se montrer bouleversant.
9 - EMA, de Pablo Larraín
Ema raconte une révolte, celle d’une jeune danseuse dans une troupe de danse contemporaine, mariée à son chorégraphe. J’ai vu ce film sans rien en savoir et l’ai reçu comme une expérience brutale, électrique, et furieusement saisissante. Larraín capte avec justesse la vie de ces corps qui se rencontrent, s’affrontent, se transforment, et se ressaisissent. L’actrice Mariana di Girólamo est magnétique. Le film est toujours trouble, et toujours hypnotique.
8 - ADORATION, de Fabrice du Welz
Je n’avais jamais vu de film de ce réalisateur, et celui-ci donne envie de se plonger dans sa filmographie. Ici, du Welz montre l’histoire tendre et dévastatrice d’une amour adolescente, dans des Ardennes mystiques (si, si), et avec un Benoît Poolevorde en poète mélancolique étourdissant. D’une beauté plastique à couper le souffle, Adoration est un conte aussi lumineux qu’il est difficile.
7 - THE KING OF STATEN ISLAND, de Judd Apatow
Il est de bon ton de reprocher à Judd Apatow de faire des films trop longs, et avec ses 2h15, The King of Staten Island ne fait pas exception. Pourtant, le film a selon moi juste la durée nécessaire pour raconter tout le parcours compliqué de ce post-adolescent en lutte avec lui-même. Un film plein de nuances et, bien sûr, extrêmement drôle.
6 - MANK, de David Fincher
Beaucoup de choses ont été dites de la sortie sur Netflix du nouveau film de David Fincher, du fait qu’il réalise un script de son père, et qu’il s’attaque au mythe qu’est Citizen Kane. Mais Mank est surtout l’histoire d’un scénariste désœuvré et vieillissant, qui comprend que les images et les mots ont un impact sur le public, et donc que leurs auteurs ont une responsabilité. Le film montre la tentative désespérée et déjà vaine de Mank de prendre cette responsabilité, et c'est beau.
5 - JUMBO, de Zoé Wittock
Zoé Wittock n’a pas seulement l’audace, pour son premier film, de raconter l’histoire d’amour entre une jeune femme et un manège de fête foraine, elle a en plus le courage et le talent de le faire au premier degré, de bout en bout. Sa caméra n’est jamais moqueuse, ni goguenarde, et nous révèle cette histoire avec une délicatesse déchirante.
4 - DRUNK, de Thomas Vinterberg
Drunk n’est pas une comédie mais s’offre tout de même le luxe d’être parfois hilarant. Si ce film est aussi entêtant (comme sa bande originale), c’est parce qu’il n’est jamais facile, jamais clairement orienté, qu’il est à la fois le pire et le meilleur message de prévention sur la consommation d’alcool. Plein de ferveur, Drunk donne envie de faire la fête.
3 - ADIEU LES CONS, d’Albert Dupontel
Courez voir ou revoir Adieu les cons à la réouverture des salles. Le nouveau Dupontel offre une fantaisie, une mélancolie et une drôlerie qui font un bien fou. C’est un film qui peut-être aussi réjouissant que déprimant, en fait il est peut-être un peu les deux. Quoiqu’il en soit, il est jouissif et Virginie Effira ne cesse d’épater.
2 - PINOCCHIO, de Matteo Garrone
Alors que Disney reprend depuis quelques années tous ses contes animés en prise de vue réelle avec une paresse et un mauvais goût épuisants, le film de Matteo Garrone était un véritable vent de fraîcheur cette année. Ici, très peu d’effets numériques, mais de vrais décors, des costumes, des textures, bref : une inventivité constante, du début à la fin. Ce Pinocchio est plein de noirceur, de joie, et d’humour, parfois les trois en même temps. C’est un drame que le film soit sorti sur la plateforme d’Amazon, mais il mérite d'être vu.
1 - UN PAYS QUI SE TIENT SAGE, David Dufresne
Le documentaire de David Dufresne aura été (tristement) nécessaire cette année 2020. On y voit toute la nécessité des images, notre dernier contre-pouvoir. Mais il demande aussi ce que c’est de voir une image, d’être spectateur, avec l’astucieuse mise en abîme qu’il propose, en nous montrant des personnes qui regardent et réagissent en même temps que nous. N’ayez pas peur de ce documentaire qui est toujours subtil, qui est puissant, qui est surtout brillant et malheureusement indispensable.
Voilà pour l'année 2020. Comme quoi, y a eu des trucs, quand même. Alors bon, calmos.
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