Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?
Écoute, je sais pas. Voilà. Enfin, si, je sais un peu mais, j’en suis pas absolument certain quoi. Faudrait que j’y réfléchisse, en fait, c’est ça le truc. Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? T’es un peu gonflé aussi de me demander ça, comme ça. Bah si…
Enfin tu pourrais avoir un peu plus de tact, je trouve. Mais non, non, je suis pas en train de fuir. Tu sais que tu peux tout me demander. Mais ça, ça là, c’est quand même particulier. Enfin, c’est pas le genre de choses qu’on demande comme ça, au débotté, en général. Je suis sûr que tu vois ce que je veux dire. Tu te rends quand même bien compte que tu me mets dans une position extrêmement délicate là.
Ben, tu t’en rends peut-être pas compte, mais je t’assure que c’est le cas. C’est pas le genre de choses dont j’aime discuter, voilà. Mais ça n’a rien à voir avec toi. T’es très autocentré quand même, excuse-moi de te le dire. Oui, oui, autocentré, oui, parfaitement. Centré sur toi-même oui, c’est ça que je veux dire. Autocentré, voilà. On va pas faire un cours d’étymologie, non plus. J’utilise pas ce mot à la légère. Ben, déjà, pour me poser la question que tu viens de me poser, il faut être sacrément autocentré. Oui, rien que ça. Et puis, pour réagir comme ça, enfin quand même, si ça c’est pas de l’autocentrisme. De l’autocentrisme radical, même, je dirais. Oui. Ben si, on peut être centriste et radical à la fois, quand il s’agit de soi. Voilà, je te l’apprends peut-être mais c’est comme ça. Et t’en es un excellent exemple, par ailleurs. Tout n’a pas toujours un rapport avec toi, réveille toi un peu. Bon, d’accord, cette question-là, en particulier, à un rapport avec toi. Mais pour que cette question-là naisse, se formule, et s’exprime, il faut un inconscient, un esprit et une bouche bien autocentrés. Je dis pas ça pour te blesser mais il s’agirait que tu t’en rendes compte, quand même. Oui, parfaitement.
Oh là, attention je te vois venir là. Non, non, je peux pas te laisser dire ça. Je regrette, mais je peux juste pas te laisser dire ça. Je n’essaye absolument pas de changer de sujet, ça me vexe que tu puisses penser ça. Non, non. Tu me connais bien en plus, tu sais que c’est pas mon genre. C’est quoi ce haussement de sourcils là, qu’est-ce que ça veut dire ? Tu deviens insultant là, attention. T’es en train de me montrer une facette de toi que j’aime pas du tout là. Oh, non. Non, pas du tout. Tu sais que j’aime bien l’espièglerie, mais là je te trouve carrément sardonique. Non mais tu te rends comptes un peu de ce que tu sous-entends, là ? Non ? T’es en train de dire que j’esquiverais la question en monologuant sans cesse et en me retournant contre toi, voilà ce que t’es en train de dire. Et ça, excuse-moi l’expression, mais je trouve ça dégueulasse. Proprement dégueulasse. Quoi ? Oui, quelque chose peut-être propre et dégueulasse à la fois. Ben, en étant tellement dégueulasse, recouvrant tellement parfaitement le concept de dégueulasserie qu’on y trouve une forme de propr… et puis merde ! C’est pas la question ! Qui c’est qui change de sujet, là ? Là on parle de ton indécence, oui oui, de ton indécence, et tu m’emmène sur un débat linguistique. Non, je sais pas si c’est vraiment une question de linguistique, en l’occurrence je m’en fous complètement. Mais ça c’est tout toi, ça. Oui, oui c’est tout toi. On parle sérieusement et tu viens relever toutes les plus infimes imprécisions de notre langage, alors que tu vois très bien où c’est qu’on veut en venir. Oui, « Où on veut en venir », d’accord, on peut passer à autre chose M. D’Ormesson ? Merde ! Voilà, t’es content ? Merde !
Bon, excuse-moi, je me suis un peu emporté. Enfin tu dois bien reconnaître que t’es pas toujours facile non plus. Oui, bon, d’accord, c’est ma faute aussi, très bien. Mais bon, quand tu vois où ça nous mène, tu dois bien reconnaître que c’était un peu tordu de ta part de me poser cette question. Je dis pas que tu es tordu, je dis que c’était tordu de ta part, c’était un geste un peu tordu. Oui, je sais, on n’est que ses actes, si on fait des trucs tordus alors on est tordus, tu as lu Sartre, on a compris. Qu’est-ce que t’es lourd, des fois. Essaie pas de m’avoir avec cette nuance métaphysique, t’a juste pas écouté ce que je t’ai dit. Écoute un peu les autres des fois. Oui, des fois, ça ferait du bien. T’a cette espèce de complaisance scabreuse pour ton propre discours des fois, on dirait que tu pourrais t’écouter parler des heures. Je trouve ça épuisant. Tu laisses aucune place aux autres entre tes mots.
Non, j’essaie pas de t’accabler, je dis juste que tu devrais te remettre en question des fois. Voilà, oui. Non, mais… non mais le prend pas comme ça. Bon, pardon je suis un peu abrupt, mais, tu me facilites pas la tâche. Non je… je voulais pas te blesser. Qu’est-ce que je peux faire ? Oh la la, t’en démords pas, décidemment ! Allez, ça me saoule. T’es capable d’être foutrement retors quand tu t’y mets, hein. Mais bon, puisque t’insistes autant, je vais te répondre : Non, papy, je ne sais pas où est ton défibrillateur !
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