Puerto Escondido, la sueur

 


Je ne me concentrerai même pas sur l’« essentiel », quoique ça veuille dire. Je te donnerai des bouts. Tu ne peux pas exiger plus, franchement. 

La moiteur de Puerto Escondio s’annonce avant toute autre sensation de la ville. Avant même de la renifler ou de la voir, on y plonge. Cette moiteur rappelle qu’on évolue dans une matière dense et peuplée. Dans ce minuscule aéroport, avec un terminal, une porte, une piste, la seule boutique qui propose du café le sert depuis un termos, et il coute trente pesos (un euro cinquante). Il y a plus de personnes qui proposent des taxis que de voyageurs. Notre appartement est joignable à pieds, moyennant une marche de quinze minutes, une prospection deux fois plus longue pour l’identifier réellement, et l’aide de quelques riverains. 

Bien moins urbanisée que México, Puerto donne corps à une réalité qui n’était jusqu’alors qu’un savoir abstrait ; nous sommes à une autre latitude sur un autre continent. Les arbres et les oiseaux sont nouveaux pour nous, ils sont abondants. Ce territoire semble encore majoritairement non bétonné. Mais quelques détails empêchent que ce dépaysement soit total. Effectivement, la présence, alors qu’on s’approche de la plage, de plusieurs restaurants proposant une carte 100% Vegan, ou des Poké Bowls, ou des smoothies bien-être/Boost/Détox indiquent très clairement la présence d’autres blancs par ici. Je m’étonne de ne les avoir pas encore repérés mais tout s’éclaire lorsque je vois enfin le mal nommé océan Pacifique et ses intenses vagues ; des surfeurs bien-sûr ! Les cool kids par excellence. Après tout, nous ne sommes pas si loin du littoral californien, berceau des smoothies au gingembre et autres hygéniesteries. La plage est paradisiaque et l’eau est chaude, mais il apparaît effectivement que les vagues sont trop violentes pour un public familial. Le mauvais nageur que je suis en paiera les frais, et tu aurais ris de ma gaucherie et des curieux mouvements de mes membres pour lutter contre le courant. Lutte vaine, d’ailleurs, puisqu’il est évident, quand on se baigne dans cette eau, que cette elle qui dictera ses lois. Ces vagues immenses et le mouvement dans lequel elles me noient portent une charge secrètement érotique, voilà c’est dit. Non moins érotiques, d’ailleurs, sont l’eau et la chair des noix de cocos que nous mangeons, étonnante saveur douce et salée. 

La contamination cool-chill-carpediem ne s’est pas étendue beaucoup plus loin que la rive, et le reste de la ville ressemble un peu plus à la vraie vie. Nous déambulons dans un grand marché couvert, où cohabitent des poteries, des crânes colorés et l’odeur âpre des carcasses de boeuf et de porc que les bouchers et bouchères découpent à vue. J’entre dans un magasin pour acheter un joli sac en laine que je me ferai voler deux jours plus tard, des vieilles dames assises là se moquent gentiment de moi. Un nuage passe et couvre la bonne ambiance générale, sous la forme d’une jeep qui descend la rue, surfée par un militaire portant une mitraillette. Elle est suivie par un camion coca-cola. 

Un taxi jusqu’au centre, quatre-vingt pesos (quatre euros), la chair du poisson frais, un gin tonic épicé, des vagues encore plus impressionnantes dans la nuit, un ciel à l’encre de seiche. Nous sommes épuisés et moites, toujours. Au milieu de la nuit, nous sommes réveillés par de la musique qu’éjacule une voiture garée juste devant notre porte. 

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