lundi. #3 - Autoportrait au caleçon troué
Voir sa vie ramassée dans un sac à dos et transpercée de rayons X qui permettent à un agent des aéroports de Paris d’observer mes caleçons dans de drôles de couleurs est une expérience pathétique.
Je fais partie de cette caste de gens qui se font en permanence contrôler à l’aéroport pour des raisons obscures, puisque le racisme est dans mon cas exclu. Peu importe comment je m’habille, la quantité de bagage que j’ai, l’endroit où je suis et l’endroit où je vais. Il y a toujours un agent qui ne me remet pas, me fait un signe, au mieux essaie de détecter la présence d’explosifs sur les fermetures éclairs de mon sac, au pire le vide devant tout le monde. Pourtant, je suis presque tout le temps innocent.
Peut-être que mon visage est suspect, évoque le vice, la manigance, le traffic ou la haine de la patrie. Peut-être, et c’est malheureusement bien plus probable, que j’ai une bonne tête de monsieur tout le monde. Sans doute a-t-on bien formé monsieur l’agent à ne pas négliger de contrôler les types qui ont l’air banal, innofensif ou insignifiant, pour des raisons de relations publiques mais aussi de réelle sécurité parce que le diable s’habille parfois avec un short en jean Bonobo.
Mon patrimoine en couleurs bizarroïdes
Vendredi dernier, à 7 heures, au passage de la sécurité de Paris Orly, ça n’a pas loupé. La chaîne de bagage s’est interrompue et j’ai vu l’agent assis derrière son écran, qui semble avoir aussi le contrôle du tapis roulant, faire avancer et reculer plusieurs fois mon sac à dos quechua vert kaki dans la machine à rayon X. Sur son écran est apparu tout mon patrimoine en couleurs bizarroïdes. L’examen de mon trousseau a suffit à lui faire réclamer un contrôle plus poussé.
Qu’est-ce qui a éveillé son soupçon ? Les trois caleçons Umbro, les deux autres Chevignon, les quatres paires de chaussettes bas de gamme, les chargeurs pour iPhone et Apple Watch, les chemises H&M, le short de bain Jack & Jones, la serviette micro-fibre kalenji ou l’absence de brosse à dent ? Impossible à dire. Toujours est-il que mon sac ne contenait ni drogue ni explosif, ce que les autorités compétentes ont bien été obligées d’admettre avant de me laisser embarquer à bord de mon vol EasyJet qui, de doute façon, avait 45 minutes de retard.
Le petit trou
30 Litres avec une poche avant, deux petits filets latéraux, et une poche intérieure discrète pour les documents sensibles, suffira a contenir cette petite vie. Trop moyen pour être honnête, trop honnête pour être innocent, trop innocent pour ne rien cacher. Sur l’écran de contrôle, il était visible qu’un de mes caleçons Umbro (le rouge) était troué à l’entre-jambe.
La voilà, la faille. Le détail qui cloche sur ce portrait par ailleurs parfait du tocard ordinaire. Le trou dans la couche de droiture. Le petit trou dans le caleçon où se logent toutes les révoltes, les violences et les crimes. Je suis presque rassuré d’avoir trouvé ma déviance. Merci, monsieur l’agent.
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