Monsieur Basart est au-delà de tout soupçon


Dring dring Oui allo Monsieur Basart, vous devez venir de toute urgence au commissariat. D’accord j’arrive. Bon sang, pense-t-il, je n’ai même pas eu le temps de prendre mon petit-déjeuner que moi, un honnête citoyen, suis convoqué au commissariat. Une ellipse et l’y voilà.

- Bonjour, Monsieur Basart.

- Bonjour.

- Vous savez pourquoi je vous ai fait venir ?

- Non.

- Asseyez-vous.

Mobilier désuet décati affiches neo-fascistes ordinateurs pré-onze septembre tâche sur l’uniforme.

- Votre frère a tenté de se suicider.

- Oh !

- Mais il a échoué.

- Ah ! Il est vivant alors ?

- Non.

- Oh !

- Il s’est pendu à la pale d’un ventilateur de plafond. Or, l’engin s’est activé et l’a fait tournoyer à toute vitesse dans les airs.

- Aïe.

- A la suite de quoi, la proto-dépouille est passée par la fenêtre.

- Laquelle ?

- Plein sud. Votre frère était encore vivant lorsqu’il a heurté le toit d’un bus.

- Lequel ?

- Le 385. Arrivé à son terminus, le véhicule est rentré au hangar avec l’anté-charogne qui le surplombait toujours.

- Hm.

- C’est là qu’il a explosé.

- Mon frère ?

- Le bus. Mais votre frère aussi. Cela dit. Ferraille. Chair. Charpie.

Le ventre de Monsieur Basart gargouille. Il se taperait bien un croissant au chocolat mais pour faire bonne figure il fronce les sourcils et hoche la tête lentement.

- Ça lui pendait au nez. Enfin au cou. Enfin vous comprenez.

- Je comprends parfaitement, Monsieur Basart.

- Pourquoi le bus a explosé ?

- C’est ce que nous essayons de comprendre, Monsieur Basart. Où étiez vous hier entre 23h et une 1h du matin ?

- Je regardais la télé je crois. Vous ne me soupçonnez pas quand même ?

- Je ne sais pas, Monsieur Basart, je ne sais pas.

- Je ne saurais même pas comment faire sauter un bus, l’eussiè-je voulu.

- Vous n’avez pas une idée de qui pourrait en vouloir à votre frère ? Ou alors au 385 ? Franchement, nous on colle comme le papier au bonbon.

-Mon frère, je ne sais pas. Le 385, n’importe lequel de ses usagers.

- Recevable.

Pendant le long silence qui suit le policier inspecteur commissaire on ne sait jamais vraiment ce que ça veux dire tripote son stylo en faisant la moue comme un gros bébé cadum.

- Je dois faire quoi maintenant ?

- Rentrez chez vous. On vous appellera si on a du nouveau.

- Et le corps ?

- En bouillie. Si vous voulez le récupérer il vaudrait mieux revenir avec une grosse pipette.

- Il n’en reste rien ?

- Ah si, attendez. 

L'autorité de la nation ouvre le tiroir de son bureau, en sort un emballage de double cheese et le tend à Monsieur Basart.

- On a gardé un œil.

- Sur qui ?

- Sur nous, enfin dans nos poche. Enfin dans mon bureau. Enfin bref le voilà il est à vous et trop peu couteux pour engager des frais de succession.

Monsieur Basart déplie le papier graisseux et constate en effet qu'un œil marron-vert taché de ketchup l'y regarde, indifférent. Rentré chez lui, il le pose à côté de son certificat d’intelligence. Il s’approche et regarde son reflet dans la pupille. Son nez à l’air énorme.

 

 

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